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- Esthetique
Les shi, les offieiels-savants, etaient de par leur profession et formation des experts du pinceau ; pendant leur temps libre et leur retraite, leur passe-temps c�etait le pinceau. Ceci est l�essence meme de la culture wenren, la culture des erudits. Au coeur de l�esthetique des erudits repose la conviction que le travail du pinceau est bien plus important que le contenu meme de la calligraphie et de la peinture. On reste convaincu en effet que le maniement du pinceau exprime avant tout l�esprit du detenteur du pinceau. C�est pour cela que la calligraphie fit partie de l�examen de la fonction publique. Ce que le connaisseur recherche dans cette calligraphie et cette peinture d�erudits est un point d�entree dans l�esprit de l�artiste erudit, en un mot, un moyen de communiquer d�esprit � esprit. Comme les caracteres chinois sont ecrits selon une sequence bien etablie de coups de brosse successifs, il en resulte que la calligraphie et la peinture seront tous deux etudies selon le rythme de formation meme de cette sequence. On ne eonsiderera pas le produit fini mais plutot son elaboration en tant que processus de creation et de la meme maniere qu�on suit la realisation d�une piece de calligraphie ou d�une peinture au cours d�une reception ou Ton en realisait en grand nombre.
Le travail du pinceau doit etre libre de toute contrainte artificielle pour que la communication d�esprit � esprit puisse se faire. L�ideal esthetique est ziran (litteralement: ce qui surgit de soi-meme : � spontaneite �, � naturel �, la � nature � elle-meme). Les erudits pratiquaient si souvent le travail du pinceau qu�ils arrivaient � manier celui-ci sans effort conscient, permettant ainsi un libre flux � la fois d�encre et de � nature �.
Cette esthetique trouve ses sources dans la poesie de Qu Y�an (4e siede AEC), le plus ancien des poetes chinois connus. Son oeuvre, Li sao, est une longue description d�une fuite chamanique qu�il ecrivit apres qu�il e�t prit sa retraite ou perdit son emploi de bureau. Ce poeme etablit un style et une terminologie (basee sur une ancienne forme de chamanisme) pour les poesies posterieures (du premier siede de notre ere). Certains de ces poemes - ecrits en un temps ou la pensee taoiste prevalait au sein de l�intelligentsia - mettaient l�accent sur une experience mystique (fexperience de la perte du soi, l�experience du neant).
Le chaos politique qui suivit la fin du premier empire majeur, fere Han, il y a quelque mille huit cents annees, vit de profonds changements sociaux et intellectuels dans la condition des offieiels-savants. Il etait dangereux d�etre fonctionnaire en un temps d�instabilite politique et de nombreux shi preferaient une vie retiree et se consacrer au ziran, aux concepts taoi'stes d�une liberte sans responsabilites et sans soucis. C�est � cette epoque que les poetes devinrent fameux pour leur habitude de boire.
Boire de l�alcool remplissait plusieurs fonctions quant � l�esthetique. En premier lieu, l�alcoolisme - reel ou simule - pouvait servir d�excuse � la personne cultivee pour eviter les rigueurs de la vie politique. En second lieu, l�excuse d�etre saoul, plus symbolique que reelle, permettait d�echapper aux obligations et rituels complexes des gens instruits (qui tous faisaient partie, � quelques exceptions pres, de la hierarchie des officiels ou d�officiels �en retraite�) et de se delasser au cours des evenements litteraires et artistiques. En dernier lieu, l�alcool donnait acces � des etats extatiques qui favorisaient la creation artistique spontanee.
C�etait l�epoque egalement du debut du mouvement shanshui (litteralement : montagnes 8t torrents, generalement traduit par ��paysage�) : une thematique qui inspira de nombreux poemes. Ce terme possede plusieurs origines : offrandes � des montagnes particulieres et � des etendues d�eau, sacrifices remontant tous deux aux premiers
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